Essaim, l’incubateur de projets

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Essaim, incubateur de projets. Au centre, son directeur Claude Michaud © D.R.

Essaim, incubateur de la Chambre de l’économie sociale et solidaire « APRÈS-GE » offre un service inestimable aux porteurs de projet à Genève. Créé en 2009 avec le soutien de la Ville de Genève, Essaim accompagne aujourd’hui une trentaine d’entrepreneurs.

L’originalité d’Essaim est d’offrir au porteur de projet un statut « d’entrepreneur-salarié » qui lui permet de percevoir un salaire, en fonction du chiffre d’affaires qu’il réalise, et de bénéficier de la couverture sociale d’un salarié classique. C’est une vraie valeur ajoutée pour des personnes qui souhaitent développer une activité économique autonome, sans nécessairement chercher à créer une PME avec quatre ou cinq emplois à la clé.

 

Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est un incubateur ? Et pourquoi Essaim est-il un incubateur d’entreprise?

Attention, il ne faut pas confondre : un incubateur, ce n’est pas l’endroit où l’on va mettre des œufs et où l’on va avoir des petits poussins qui vont sortir… Par similitude, un incubateur c’est un endroit qui va permettre de développer des idées de projets, de les transformer en projets viables et ensuite de les lancer. Lorsque ces projets seront capables de voler de leurs propres ailes, ils pourront alors sortir de l’incubateur.

En ce sens, plutôt qu’un incubateur d’entreprise, je dirais qu’Essaim est un incubateur de projets d’activités économiques. Cette différence est importante. Elle signifie que les projets qui seront accompagnés dans l’incubateur peuvent être des entreprises de l’économie sociale et solidaire cherchant à se créer ; mais qu’ils peuvent aussi émaner de personnes souhaitant développer une activité économique et devenir par la suite indépendants, sans pour autant créer une entreprise employant d’autres personnes. Essaim peut même accompagner des entreprises existantes adhérant aux principes de l’ESS et qui souhaitent lancer un nouveau projet.

 

En quoi Essaim se distingue-t-il des autres incubateurs genevois ?

Essaim a ceci de particulier qu’il vient combler un manque sur la place genevoise, où les formes de soutien déjà présentes s’adressent en priorité à des activités technologiques, innovantes, plutôt orientées dans les biotechnologies. Notre structure accompagne davantage des projets liés à l’artisanat, des projets de personnes qui souhaitent développer une activité autonome, sans nécessairement créer une PME avec quatre ou cinq emplois à la clé.

De cette façon, c’est tout un pan de l’économie potentielle que l’on accompagne, et qui n’est pas aidé par les autres organismes de soutien à la création d’entreprises.

 

Pour favoriser la mise en réseau, Essaim organise régulièrement des "After Miel". © D.R.

Vous fait-on parfois certaines remarques quant au fonctionnement d’Essaim, par rapport à d’autres incubateurs concurrents ?

Oui, en effet. Prenons par exemple ECLOSION : en général, il ne s’agit pas de petits projets, mais de projets dans les biotechnologies qui impliquent donc des investissements de plusieurs millions de francs. Avec Essaim, nous ne travaillons absolument pas à cette échelle. Dans le cas de Ventur Lab, avec CTI, ce sont des projets d’innovation technologique ; leur cadre d’action est clair, net et précis. Ce sont autant d’éléments qui nous démarquent d’autres organismes de soutien.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que «incubateur» ne veut pas dire «hébergement», soit physique, soit virtuel ; beaucoup d’organismes offrent simplement un soutien sans avoir le rôle d’incubateur, c’est–à-dire sans relation étroite entre le porteur de projet et la structure qui propose le soutien, excepté, justement, une clause d’accompagnement.

 

La règle d’or en matière de sélection des candidats, au sein d’un incubateur d’entreprise, consiste généralement à choisir un candidat en fonction de son business plan, de sa personnalité et du potentiel de son projet. Est-ce sur cette même règle que l’Essaim effectue sa sélection ?

C’est partiellement vrai, mais dans un ordre de priorités différent. La première chose que l’on va regarder, c’est le porteur de projet, sa personnalité, son expérience, son savoir-être et son savoir-faire, afin de pouvoir estimer si cette personne a un vrai potentiel pour devenir entrepreneuse.

En deuxième lieu, on va prêter attention au projet. N’est-il pas totalement utopique ? Est-ce  un projet viable ? J’entends par là « potentiellement viable», en ce sens que l’on n’a pas besoin d’avoir un business plan, alors que ce dernier doit déjà exister lorsqu’on se présente auprès d’autres organismes de soutien à la création d’entreprise. Chez nous, on peut venir avec une idée.

L’adéquation entre le porteur de projet et son projet est un autre point important à nos yeux. Nous devons pouvoir relever suffisamment de liens pour que le projet puisse être porté par la personne qui vient le présenter.

Enfin, nous allons aider le porteur d’idée à créer son modèle d’affaires ; c’est là un autre point qui nous distingue clairement des autres organismes de soutien. La personne vient vers nous avec une idée ; nous l’aidons à réaliser le modèle d’affaires et c’est seulement après ça que nous l’orientons pour qu’elle puisse écrire son business plan. En réalité, elle ne l’écrira que si c’est absolument nécessaire pour aller rechercher des fonds ou des partenaires, car le  business plan est surtout un document très utilisé pour chercher des sources financières ou des partenaires. Si le modèle d’affaire est bien construit, bien élaboré, il peut constituer un outil de pilotage encore plus efficace qu’un business plan.

 

Pensez-vous qu’il soit encore possible de nos jours d’inciter une personne au chômage à créer son entreprise avec un minimum de risques ?

Toute création d’entreprise comporte inévitablement des risques. Une personne qui voudrait créer une entreprise en ignorant totalement les risques que cela implique a de grandes chances de voir son affaire capoter au bout de quelque temps.

Minimiser le risque, oui c’est tout à fait possible, mais à condition de respecter certaines règles qui obligent la personne en situation de chômage à travailler simultanément sur deux alternatives : la création de son activité indépendante et le retour à l’emploi. Inciter une personne au chômage à étudier les possibilités de sortir de cette situation, soit en  retrouvant un emploi, soit en créant sa propre activité économique, me paraît une option convenable. A mon avis, il faut toujours garder les deux plans en parallèle ; il faut toujours considérer qu’un plan est complémentaire à l’autre, le fameux plan B.

 

En quoi le statut d’entrepreneur-salarié d’Essaim est-il avantageux pour une personne au bénéfice de l’assurance chômage et qui souhaite devenir chef(fe) d’entreprise ?

Pour la personne au chômage, le premier avantage sera d’avoir un contrat de travail, ce qui signifie qu’elle va continuer de cotiser à l’assurance-chômage, de créer des conditions pour son délai cadre. Il est même possible, en respectant certaines conditions, que la personne puisse considérer ses premiers revenus comme du gain intermédiaire, si elle exerce sa nouvelle activité à temps partiel.

Pour continuer de toucher ses indemnités, la personne doit bien entendu respecter les conditions de base, c’est-à-dire en premier lieu continuer ses démarches en vue de retrouver un emploi et sortir du chômage le plus rapidement possible. Elle doit aussi rester disponible pour assumer un emploi qui se présenterait, quitte à devoir éventuellement diminuer l’activité qu’elle est en train de développer d’une manière autonome.

 

Le contrat qui lie l’entrepreneur-salarié à Essaim est-il un contrat de mandat ou un contrat à durée déterminée ?

Il s’agit d’un contrat à durée déterminée de trois ans, qui peut être résilié au bout de 9 mois minimum déjà si la personne est capable de voler de ses propres ailes, c’est-à-dire de sortir de l’incubateur. A l’inverse, le contrat peut aussi être prolongé au-delà de trois ans si besoin.

 

Quels sont les droits et les obligations d’un entrepreneur-salarié d’Essaim?

Les droits sont les mêmes que pour toute personne salariée. Il s’agit d’un statut parfaitement légal. Concernant les obligations, l’entrepreneur-salarié doit en priorité vendre, faire ses prestations et être correct sur le marché, parce qu’il fait partie d’une entreprise collective partagée. Il doit respecter les règles de marché, pour ne pas risquer de porter préjudice aux autres.

 

Pouvez-vous nous donner un exemple de ce qu’il ne doit pas faire ?

Par exemple, ne pas vendre son sandwich à CHF. 1-, alors que tous les concurrents de la place le vendent à CHF 5.-, ce qui serait considéré comme un comportement déloyal sur le marché. Ce sont des règles de comportement et de bienséance qu’il faudra respecter.

 

Avec Essaim, des rêves deviennent réalité © D.R.

Ne pensez-vous pas que le statut d’entrepreneur-salarié d’Essaim, en relation dans l’entreprise collective partagée, est un risque ?

Je pense justement qu’avec Essaim, nous diminuons le risque, ceci grâce à toutes les conditions cadres d’accompagnement et d’encadrement qui sont mises en place dans l’entreprise collective partagée : la possibilité de sortir de la solitude en côtoyant d’autres entrepreneurs-salariés ; celle de travailler et d’échanger en réseau ; de gagner de l’expérience en partageant avec d’autres personnes. Ce sont là des facteurs de diminution de risques.

Un autre facteur important est la grande visibilité que l’Essaim offre à l’entrepreneur-salarié. En général, il faut du temps à un entrepreneur pour se lancer seul sur le marché, démarche qui peut aussi se révéler délicate. Soutenu par l’incubateur, l’entrepreneur se lance avec l’image de l’institution, ce qui  minimise le risque. Je suis convaincu que le cadre de l’entreprise collective partagée augmente les chances de succès.

L’Essaim offre à cette personne un cadre juridique pour son activité, à savoir un statut d’entrepreneur-salarié avec un contrat à durée déterminée de trois ans ; une gestion administrative de son activité incluant la tenue de la comptabilité, le calcul et le versement de son salaire. Ensuite, Essaim offre à cette personne une possibilité d’échange avec les autres entrepreneurs-salariés. Et enfin, il accompagne cette personne jusqu’à la maturité et à la réalisation de son entreprise.

Pour l’ensemble de ces prestations et services, l’entrepreneur-salarié verse 10% de son chiffre d’affaires dès l’émission de la première facture de vente ou autre.

 

Comment cela fonctionne-t-il en pratique ?

Essaim fonctionne de cette manière :

1. L’entrepreneur-salarié trouve un client (entreprise, association, administration, particulier) et négocie avec celui-ci la nature de la prestation, sa durée et son tarif. Un contrat tripartite est signé entre l’entrepreneur salarié, le client et la Chambre.

2. Dès la prestation finalisée, l’entrepreneur-salarié émet une facture mentionnant les coordonnées de son activité et d’Essaim.

3. Chaque mois, l’entrepreneur-salarié perçoit un salaire, basé sur son chiffre d’affaires encaissé, sur lequel seront déduits les honoraires d’Essaim ainsi que les cotisations sociales et salariales.

 

Faisant suite à vos différents accords avec les caisses d’assurance chômage, quelles sont les conditions qui permettent à une personne au chômage, ayant le statut d’entrepreneur-salarié de l’Essaim, de continuer à  bénéficier de l’assurance chômage ?

Il y a plusieurs conditions, à savoir :

  1. Etre au chômage et bénéficier de l’assurance chômage ;
  2. Ne pas avoir suivi le cours offert par l’OCE pour les créateurs d’entreprise ;
  3. En tant qu’entrepreneur-salarié et bénéficiaire de l’assurance chômage, cette personne doit continuer à faire ses recherches d’emploi ;
  4. Etre prêt à trouver un travail convenable ;
  5. Le salaire de son entreprise doit être adéquat.

 

Interview réalisée par William Makosso et Maya Corminboeuf 

 

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