Femmes, à quand la prise de pouvoir?

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Cette première soirée des femmes leaders en Suisse a réuni autour d’une table ronde Myret Zaki, rédactrice en chef adjointe de Bilan en tant que modératrice de débat, et trois femmes d’exception pour répondre à ses questions.

Monique Bourquin

Monique Bourquin © DR

Monique Bourquin, Franco-suisse, 45 ans, une fille de 7 ans, CEO Unilever Suisse.
Diplômée en Economie de l’université de St-Gall, elle a été consultante auprès de PriceWaterhouseCoopers, Rivella puis Mövenpick. Elle gère aujourd’hui 1200 personnes sur trois sites.
Excellente communicatrice, calme, cette dirigeante brille dans l’énonciation d’objectifs clairs.

 

Bénédicte Montant

Bénédicte Montant © DR

Bénédicte Montant, Genevoise, fondatrice du cabinet d’architecture à succès 3BM3. À 45 ans, mère de trois enfants, elle s’est beaucoup investie dans le monde associatif. En outre, elle siège depuis peu au tribunal de grande instance de Genève pour les affaires de construction et est la première femme depuis 1922 à présider l’association cantonale des architectes genevois pour la défense des architectes.

 

Stéphanie Pahud

Stéphanie Pahud © DR

Stéphanie Pahud, originaire d’Yverdon, Docteure ès Lettres à Lausanne. À 34 ans, celle qui appelle l’homme et la femme des animaux sociaux est maître assistante en linguistique à l’université de Lausanne. Diplômée à 31 ans, elle est l’auteur de trois ouvrages dont « Le traité de désobéissance féminine » paru en Avril 2011.

 

Est-ce que le leadership est caractéristique d’un stéréotype?

Les trois femmes répondent non à cette question.

Comment acquiert-on du pouvoir en étant femme?

MB: Elle n’avait pas prévu un tel poste bien qu’elle admet avoir été précoce au cours de ses études. Elle a passé son Baccalauréat à 17 ans. C’est sa volonté d’indépendance financière qui l’a poussée à subvenir seule à tous ses besoins. Pleine d’énergie, elle dit aimer les défis et surtout les gagner. Ayant eu par le passé la sensation de se lasser au sein d’un même poste, elle s’est toujours fixée des challenges pour avancer et briser la monotonie.

Elle insiste sur le fait que l’intuition, l’émotion et la communication renforcent la réussite professionnelle.
Sa recette: Compétences plus passion.

BM: Elle était sur le marché du travail au début des années 90, au moment où le secteur de la construction était au plus bas. Mère de trois filles, elle dit n’avoir pu se suffire d’un moindre salaire pour les élever seule. De plus, elle voulait aménager elle-même son emploi du temps. Ainsi, elle a toujours exercé en tant qu’indépendante et ne pourrait pas avoir de supérieur hiérarchique avec les structures liées aux entreprises. Soucieuse de la satisfaction de ses clients, Bénédicte Montant dit avoir évolué par étapes en prenant le temps d’observer. Elle a fusionné son cabinet avec un ami, confident et soutien qui est Carmelo Stendardo, depuis 10 ans maintenant.
Sa force: Ses trois enfants.

SP: Elle s’est toujours passionnée pour les mots, les livres et s’est toujours intéressée aux nouvelles matières dans la littérature comme les discours politiques ou médiatiques. Elle estime avoir eu de la chance tant au niveau des divers assistanats qu’elle a occupés en sociologie qu’à l’école des beaux arts de Genève. Investie dans cette passion et portée par ses professeurs, elle n’a pas vu les années passer. Elle prend plaisir à transmettre ses connaissances, s’amuse à jouer avec les étiquettes et aime le côté anti conformiste des choses.
Son moteur: La curiosité intellectuelle

Quel a été votre obstacle principal au cours de votre carrière?

MB: Elle pensait que les bons résultats suffiraient mais elle s’est vite rendu compte de l’importance de la visibilité que l’on peut avoir ou non au sein d’une importante structure. Ainsi, elle conseille vivement de se faire connaitre au sein de son entreprise lorsque l’on fait quelque chose de bien. Il faut le dire via un réseautage interne pour sortir du lot, faire son propre marketing.

BM: La culpabilité de ne pas être autant disponible pour ses enfants qu’elle le voudrait et les soucis liés au travail qui prenaient le pas sur sa vie privée. Un souci de conscience.

SP: Elle na pas ressenti de réel obstacle.

Des femmes ont-elles été un obstacle dans votre carrière?

MB: Au contraire, étant peu nombreuses, les femmes CEO Suisses se connaissent entre elles et entretiennent de très bons rapports. Elles se soutiennent mutuellement, ce sont des relations qui font du bien,ajoute-t-elle.

BM: Travaillant dans un monde quasiment masculin qu’est la construction et n’ayant pas de chef, elle déclare n’avoir jamais eu ce genre de problème et se dit très complémentaire avec son associé.

SP: Elle a autant travaillé avec des hommes que des femmes et estime n’avoir jamais eu à faire avec quelques heurts ou jalousies que ce soit.

Comment avez-vous négocié votre vie privée et vie professionnelle?

MB: Dès qu’elle est tombée enceinte de sa fille, elle a décidé de poser des limites afin de ne pas « vivre sur son lieu de travail ». Elle a aussitôt privilégié l’action dans des heures de travail raisonnables. Elle se dit très efficace et prône la réflexion dans les tâches à accomplir et l’organisation dans la gestion des priorités.

BM: Elle parle de dommages collatéraux inéluctables. Elle a longtemps eu des scrupules à aller travailler en laissant ses enfants et réciproquement lorsqu’elle était à la maison. Travailleuse, elle se lève très tôt depuis 20 ans et dit que lorsque l’on aime ce que l’on fait, on y gagne dans l’existence.

SP: Elle soulève la thèse de Badinter et soutient que l’idée d’avoir un foyer et des enfants n’a pas été un sujet personnel prédominant, étant passionnée par ses longues études.

Aucune de vous trois n’avait pour ambition l’argent, le pouvoir?

Les trois femmes s’accordent à dire que le but principal reste la passion de son métier et le désir d’indépendance et de liberté mais en aucun cas un besoin de dominer ou de s’enrichir. Mlle Pahud ajoute que de longues études ne vous rendent pas forcément riche et qu’en ce qui la concerne elle a la chance de vivre de manière créative et passionnante.

Avez-vous déjà ressenti de l’animosité de la part des hommes au travail?

MB: Si tel a été le cas, je ne l’ai jamais subie ni même ressentie.

BM: Au contraire, en tant que directeur de travaux, si les choses sont dites de manière pertinente et adroite, les ordres s’exécutent très bien. Elle dit exercer un métier très humain et ajoute que les femmes obtiennent énormément dans un environnement masculin.

SP: C’est tout le contraire, elle a d’ailleurs eu plaisir à apprendre et évoluer au travers de quelques professeurs hommes, parfois mentors.

Y a-t-il une image de « garce » qui colle à un leadership?

MB: Il n’y a plus d’image propre aux dirigeantes si l’on reste authentique, en disant ce qu’on pense et en étant ce que l’on est.

BM: Il ne faut pas faire d’excès quant à son style, notamment son style vestimentaire. Il vaut mieux l’adapter aux circonstances pour le respect de tous. Il est par exemple difficile de monter sur un échafaudage en jupe, par contre le classique est de mise au tribunal, lorsqu’elle siège.

SP: Elle trouve compliqué le fait d’opposer le féminisme à la féminité. Trouvant hypocrites celles qui diraient ne pas se soucier de leur image, elle pense que la femme en général joue de son pouvoir de séduction pour obtenir ce qu’elle veut. Mlle Pahud ne s’inscrit pas dans ce cas de figure car elle aime jouer avec l’ambigüité des sexes et les looks décalés.

Que pensez-vous de l’affaire DSK ? Devons-nous nous émouvoir de cette affaire?

MB: Terre à terre, elle veut des preuves réelles, des faits avérés et une opinion claire donc elle ne se prononce pas davantage.

BM: Elle espère simplement que l’hôtel Sofitel de Manhattan utilise les produits Unilever.

SP: Elle estime que tous les ingrédients du feuilleton médiatique servant à soulever la morale populaire sont réunis. Elle parle d’histoire sordide, de triple domination pour la femme de ménage africaine et des origines juives de DSK.

Elle regrette davantage l’image médiatique qui ressort d’Anne Sinclair en tant que soutien indéfectible pour son mari et tout ce que les rapports de pouvoir peuvent faire comme mal aux relations humaines.

Quel précieux conseil donneriez-vous aux femmes pour réussir professionnellement?

MB: Faites ce que vous avez envie de faire, utilisez vos forces pour bâtir votre carrière et restez vous-même. Soyez toujours ouverte à l’apprentissage et demeurez visible.

BM: Ayez une excellente formation pour avoir la liberté de construire avec des responsabilités. Ayez des amis d’horizons différents afin d’avoir des opinions diverses. Le doute et la remise en question de soi sont des éléments moteur.

SP: Oubliez votre sexe, que vous soyez homme ou femme, au fond qu’importe.

Question posée au public:

 

Quelle femme, à l’image d’Anne Sinclair ou Maria Shriver, accepterait de sacrifier sa carrière pour porter son époux?
Sur environ 300 femmes dans la salle, une huitaine a répondu par oui.

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