Hélène Mathieu-Venard, quels sont les dangers qui nous guettent si nous laissons trop libre cours à nos émotions sur notre lieu de travail?

© Hélène Mathieu Venard
Les émotions sont omniprésentes dans notre vie : elles structurent notre personnalité, forgent nos traits de caractère et dirigent bon nombre de nos pensées et actes. Pourtant nous ne sommes pas tous égaux devant les émotions. Elles peuvent, notamment dans le cadre professionnel, nous porter ombrage. Comment les gérer? Quels sont les dangers qui nous guettent sur notre lieu de travail si l’on déverse son trop plein émotionnel, comment se libérer des schémas émotionnels répétitifs qui peuvent nuire à notre travail…à toutes ces questions Hélène Mathieu-Venard, responsable de coaching en entreprises, conférencière, fondatrice d’Human Act, nous donne quelques solutions.
Un des dangers serait par exemple de donner trop d’informations sur soi et se rendre ainsi plus transparent, plus vulnérables vis-à-vis des autres ou au contraire de ne rien dire sur ce que l’on ressent, donc tout garder pour soi, jusqu’au moment ou il y a « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » et qui conduit à s’emporter et briser la relation de confiance établie entre collaborateurs et employeurs. Un autre facteur d’émotion plutôt « contre productif » pour le travail est la peur, comme par exemple la crainte de son supérieur, celui dont on doit suivre les directives tout en ayant constamment peur de mal faire. La peur prend souvent sa source dans l’enfance, celle du petit enfant face à son père ou un membre de la famille spécialement autoritaire. Cette peur peut handicaper l’employé dans son travail.
La communication non-verbale est elle importante dans le contexte professionnel?
Oui et dans toute situation d’interaction en général, autant la nôtre que celle de notre interlocuteur. Que nous le voulions ou non, nous sommes sensibles aux messages corporels vestimentaires ou autres et cela peut brouiller ou influencer la perception que l’on a de l’autre dans le négatif comme dans le positif. L’idéal est d’essayer de rester le plus neutre possible.
Quels sont les outils à utiliser pour arriver à gérer ses émotions?
Le message du « je ». L’ancre de confiance en soi; le baume à l’âme; le coaching express; l’enfant intérieur; la plupart de ces outils sont disponibles gratuitement sur www.humanact.ch.
Quels sont les facteurs qui vont déterminer notre profil?
Les fortes impressions de la petite enfance, certains parlent même d’impressions « intra-utérines », notre éducation, la manière dont on nous laissait vivre les émotions dans le milieu familial, la société dans laquelle on vit, plutôt occidental ou autre, tout cela détermine notre profil émotionnel.
Une émotion désagréable peut-elle devenir une alliée?
La tristesse ou la colère par exemple sont toujours utiles. Elles nous donnent une information concernant ce que nous vivons. S’en faire des alliées, c’est accepter, en comprendre le message , particulièrement quand vous n’avez qu’une envie c’est de vous révolter contre votre supérieur ou contre l’un de vos collègues. Dans ce cas il vaut mieux utiliser ses émotions de manière positive et verbaliser ce que l’on ressent plutôt que de laisser s’enliser la situation. Cela peut permettre aussi de prendre les choses avec du recul. Plus vous aurez de fluidité émotionnelle, plus vous serez aux commandes de votre vie professionnelle.
Comment se libérer des schémas émotionnels répétitifs qui pourraient nous nuire dans notre travail?
Tout d’abord faire la liste de nos points faibles. Trouver une parade et la mettre en place. Par exemple : chaque fois que je rentre dans le bureau du collaborateur XYZ je tremble……Il faut que je décide de changer de comportement car cet homme est autoritaire et m’intimide mais il n’est pas mon père…..et je ne veux plus me sentir dans la peau d’un petit garçon qui perd ses moyens….je vais donc choisir un modèle dans mon entourage, qui a confiance en lui du côté professionnel, et je vais m’entraîner à l’imiter. Je choisis aussi un « déclencheur » pour me faire penser à adopter ce nouveau comportement in situ, par exemple : sitôt que je vois la porte de ce collaborateur qui m’effraie, je me ressaisis…je visualise la scène de l’entretien que je vais avoir avec lui et m’entraîne dans un contexte émotionnellement non impliquant.
S’il n’y a pas de résultat, ne pas hésiter à faire des exercices avec un thérapeute ou un coach impliquant une « régression », comme la restructuration d’histoire de vie et utiliser des méthodes comme l’EMDR (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires).
D’après vous il y a deux manières de vivre ses émotions: associée ou dissociée?
Oui, quand vous êtes en possession « associée », vous vivez en « acteur-ressentant », vous êtes «dedans », l’avantage est que vous saisissez bien les informations, de manière intuitive. Par contre l’inconvénient est que vous manquez de recul, vous avez en quelque sorte »le nez dans le guidon ». Il faudrait alors se projeter mentalement et imaginez que vous voyez la situation sur un écran imaginaire, un peu comme un film.

© Human Act
La position « dissociée » elle, c’est justement le contraire, vous vivez la situation en spectateur, avec distance, vous êtes capable d’élaborer des stratégies. Reste à savoir si elles sont réellement adaptées puisque vous êtes privée de votre côté intuitif, à votre ressenti immédiat.
Pour mieux apprendre à gérer ces deux paradoxes dans les émotions, il faudrait se demander « qu’ est-ce que je ressens ici et maintenant ? Qu’ est-ce que je peux exprimer à mon interlocuteur et de quel manière?
L’idéal serait d’avoir une position de « conscience », qui opère un va et vient dans l’associé et le dissocié, on s’associe mais on prend du recul.
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