Responsable de la programmation musicale de la 1ère, intervieweuse et programmatrice de l’émission de radio Paradiso, mais également journaliste musicale au Matin Dimanche, Karine Vouillamoz est une femme qui compte dans le paysage audiovisuel romand. Malgré un emploi du temps surchargé, elle a accepté de prendre un peu de son temps pour nous parler de son parcours, de son métier de programmatrice, mais aussi et surtout de la passion qui l’anime dans l’exercice de ses fonctions. Portrait d’une « passeuse d’émotions ».
La genèse
Puisqu’il n’existe pas de diplôme de programmateur, penchons-nous sur l’itinéraire atypique de cette femme afin d’en savoir un peu plus sur ce qui l’a amenée à exercer une telle profession. Animée depuis toujours d’une passion dévorante pour la musique, Karine Vouillamoz s’investit très jeune dans des activités en lien avec la musique : « De 15 à 18 ans, j’ai travaillé en tant que bénévole au sein des Caves du Manoir de Martigny. Je m’occupais de l’accueil des artistes et passais aussi régulièrement derrière le bar. J’adorais cet endroit pour son ambiance et la qualité de sa programmation». Une très belle expérience donc qui allait poser les premiers jalons d’un chemin dont elle ne déviera pas.
En 1993, fraîchement diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Martigny, Karine Vouillamoz décroche un premier job de documentaliste au Matin Semaine. Au bout de quelques années, elle décide d’ajouter une corde à son arc afin de se rapprocher davantage de sa passion : « Depuis toute petite, je rêvais d’écrire sur la musique. J’y suis donc allé un peu « au culot » en proposant quelques articles à la rédaction qui par bonheur a accepté de les publier. J’ai par la suite été sollicitée pour en écrire d’autres et de plus en plus, ce qui m’a permis d’acquérir à terme le statut de journaliste RP, autrement que par le cursus normal.»
Le tournant
Karine Vouillamoz apprend alors qu’un poste de documentaliste sonore s’ouvre à la RTS. Une activité qui consistait, notamment, à sélectionner et acheter des CD, puis à les référencer pour enrichir la discothèque de la chaîne et apporter la matière première aux programmateurs. Bref, du sur-mesure pour cette fondue de musique qui ne laisse pas passer sa chance : « Il faut savoir que la documentation sonore se divisait en secteurs, chacun étant dédié à un style musical précis. J’ai été engagée au rayon Variété, qui englobait toutes les musiques sauf le jazz, le classique et l’ethno.»
De la documentation sonore à la programmation
Cette aventure de documentaliste dure à peu près deux ans, période durant laquelle elle reçoit plusieurs appels du pied pour devenir programmatrice. Elle finit par sauter le pas et nous explique aujourd’hui les étapes franchies pour parvenir à son but : « L’obtention du job se faisait sur concours. Nous avions tout d’abord un entretien d’embauche, conventionnel, où je présentais mon profil, mon parcours et mes compétences. Il fallait ensuite concevoir la programmation de plusieurs émissions de la chaîne, dont certaines, comme Vacarme par exemple, avec un contenu très sensible. En ce qui concerne ce programme, la difficulté réside dans le fait de trouver LA chanson appropriée pour illustrer le propos sans l’alourdir, ce qui exige de notre part une approche à la fois délicate et instinctive de la musique et de son pouvoir. » Un défi que notre candidate remporte avec succès pour être engagée peu après en tant que programmatrice musicale sur la 1ère.
En 2010, quelques changements au sein de l’encadrement de la chaîne lui permettent d’accéder au poste de responsable de programmation de cette même radio. Karine Vouillamoz revient un instant sur ce nouveau tournant professionnel : « Ils cherchaient une responsable et cela s’est fait tout naturellement. Ma vision très précise de la couleur musicale à donner à la chaîne ainsi que ma conception du management était en adéquation avec la direction. Ceci explique sans doute pourquoi j’ai été choisie. » Un choix assurément payant puisqu’elle est toujours à ce poste aujourd’hui, assurant non seulement la ligne éditoriale sonore de la chaîne, mais également la gestion d’une équipe de sept programmateurs.
Le quotidien d’une responsable de programmation
Afin de mieux comprendre l’univers de notre interviewée, laissons-la nous décrire à présent une journée type dans les locaux de la RTS : « Arrivée 8 h00. J’entame souvent ma journée par la programmation de Paradiso. Je check mes mails, je réfléchis à la programmation de Tribu, l’émission d’entretien du matin, et puis, sans véritable ordre, j’établis le planning des sept programmateurs de la chaîne, avant de passer à l’écoute des programmes et de la musique diffusée sur la station. Je réponds également aux mails des auditeurs, ainsi qu’à ceux des gens qui nous sollicitent pour passer leurs musiques. Après tout cela, le « dénichage » s’impose ! J’entends par « dénichage » le fait d’écouter les CDs reçus, d’être attentif à ce qui se passe ailleurs sur les ondes (j’écoute régulièrement France Inter, précise-t-elle), et enfin de suivre l’actualité des talents méconnus ou référents sur les réseaux sociaux. »
Bref, nous l’aurons compris, l’activité de programmateur est bien plus qu’un travail, c’est un mode de vie, un état d’esprit, car il s’agit d’être toujours en éveil, à l’affût de la perle rare. Passion, patience, curiosité et générosité sont donc les maîtres-mots de ce métier, ou devrions-nous dire plutôt, de cette VOCATION.
Le partage et les rencontres
Réduire le métier de programmateur à une activité solitaire, le casque rivé sur les oreilles et livrant sa playlist à échéance fixe serait une vision totalement erronée de celui ou celle qui l’exerce. Au contraire, ce qui motive un programmateur, c’est d’abord une volonté d’ouverture à l’autre, de lui transmettre une émotion, de l’emmener sur un autre chemin. Il joue en quelque sorte le rôle d’entremetteur entre l’artiste et le public afin de créer du lien. Karine Vouillamoz souligne que les deux versants de son activité, d’un côté la programmation, plus solitaire, et de l’autre l’interview, davantage au contact, ont un seul et même but : se parler.
Laissons-la conclure par cette anecdote qui résume à elle seule cette notion de partage : « Il y a une chanson qui me bouleverse tout particulièrement, il s’agit de "Cammina Cammina" du chanteur napolitain Pino Daniele, reprise magnifiquement par le chanteur anglais Piers Faccini. Le 26 novembre 2014, nous recevions ce même Piers Faccini accompagné du violoncelliste Vincent Segal pour un live acoustique à l’église de St-Sulpice dans le cadre d'une Session Paradiso. Une auditrice, profondément touchée par la découverte de ce titre sur nos ondes avait donc fait le déplacement pour assister à l’émission. Après le concert, nous avons échangé quelques mots sur ce moment vécu, et au vu de son émotion, j’avais la confirmation sous mes yeux de ce pour quoi je fais ce métier.»
« Ce qui me passionne avant tout c’est les gens. La musique quelque part n’est qu’un prétexte, mais c’est un joli prétexte… »
Une interview de Karine Vouillamoz : http://ow.ly/HKqFK
Credit photo : @ Yann Zitouni
Un magnifique article qui nous rappelle que l'accès à la diversité culturelle passe par le dynamisme et la générosité de telles personnes.
Le curriculum de Karine Vouillamoz est quelque part structuré pour arrivé à un job atypique et unique, dont il est difficile de définir les pré-requis! Visiblement, elle était au bon moment au bon endroit. A travers cet article détaillé, on ressent aussi la passion de l'auteur pour la musique. En effet, il est visiblement difficile de trouver le job idéal dans cette branche pour en pouvoir vivre, car les places sont très limitées... Courage et patience!!!
Très bel article et parcours atypique. Je retiens essentiellement que quand on a des rêves...ils se réalisent!
Effectivement, comme il a déjà été mentionné, on ressent dans cet article un bel accord de sentiments, d'idées, fondé sur la passion pour la musique que Karine Vouillamoz et l'auteur Olivier Menouar ont en commun... Bravo à Karine dont le parcours montre qu'une persévérance acharnée a été payante... Plein de courage à toi Olivier : le succès va être au rendez-vous!
C'est avec un grand plaisir que j'ai lu cet article et fait plus connaissance avec la responsable de la programmation musicale de la 1ère que j'écoute régulièrement. Sa sensibilité me touche.