
Contraints de quitter leur pays en raison de la guerre, des Ukrainiens vivent et travaillent actuellement en Suisse sous le permis S, un permis de protection spécial accordé aux personnes fuyant la violence et les conflits. Bien que ce permis accorde le droit de travailler en Suisse, de nombreux employeurs ont encore des doutes et des idées reçues concernant l'embauche de personnes titulaires de ce type de permis. L’objectif de cet article est de déconstruire ces mythes et de montrer que le processus d'embauche de ces travailleurs est simple, sûr et légal. En effet, de nombreux Ukrainiens titulaires du permis S sont des professionnels hautement qualifiés, motivés et expérimentés, qui peuvent représenter un atout précieux pour toute entreprise.
A ce sujet, nous avons interviewé Inna Malaia, fondatrice et directrice générale de Bevel World, un cabinet de conseil en leadership et transformation qui aide les individus et les organisations à naviguer à travers le changement, la croissance et la complexité. Elle dirige également l'association Bevel ON, dédiée à l’engagement social de son entreprise et créée en réponse à l'augmentation des déplacements de main-d'œuvre et à l’aggravation des inégalités. Bevel ON conçoit et met en œuvre un programme spécifique de renforcement des capacités pour les professionnels vulnérables et déplacés – y compris les réfugiés ukrainiens – en leur offrant un accès à des formations, une réorientation professionnelle et un soutien à l'intégration locale. Le programme aide les participants à retrouver confiance en eux, à s’aligner sur les attentes du marché suisse, à renforcer leurs compétences en leadership et en communication et à favoriser une inclusion durable dans leur nouvel environnement professionnel.
Le permis S est une protection temporaire spéciale accordée à des personnes en situation d'urgence ou qui ont besoin d’une protection provisoire de résider légalement en Suisse, ce qui est le cas des Ukrainiens. Il leur permet de travailler en Suisse, de manière similaire aux permis B ou C. Cependant, de nombreux employeurs croient à tort que l'embauche de titulaires du permis S est compliquée notamment au niveau administratif. Comme le souligne Inna Malaia : « Les titulaires du permis S ont déjà une autorisation de travail, équivalente à celle des permis B ou C. Le processus d’embauche est rapide et simple – l’embauche d’un titulaire du permis S est juridiquement directe et plus rapide que ce que beaucoup pensent. »
Cette procédure simplifiée rend le processus d’embauche beaucoup plus facile que pour les ressortissants de pays tiers, qui doivent surmonter davantage d’obstacles administratifs.
Mythe 1 : L’embauche de titulaires du permis S est complexe et contraignant au niveau administratif.
Réalité : Inna explique : « La perception de la complexité est bien supérieure à la réalité du processus. En réalité, embaucher une personne avec le permis S consiste à soumettre un formulaire standard aux autorités cantonales. Son approbation arrive généralement en quelques jours, voire quelques semaines, selon le canton. C’est bien plus simple que l’embauche d’un ressortissant de pays tiers, puisqu’il n’existe pas de quotas ou de vérification liée au marché du travail, comme par exemple la recherche de travailleurs locaux . »
Mythe 2 : Les Ukrainiens titulaires du permis S manquent de qualifications ou d’expérience.
Réalité : De nombreux titulaires du permis S possèdent des qualifications élevées et une expérience dans divers domaines. Inna précise : « Beaucoup d’Ukrainiens que nous accompagnons à travers le programme Bevel ON ont des parcours professionnels de niveau intermédiaire à supérieur. Nous constatons un large éventail de compétences telles que l’informatique, le marketing, la finance, la gestion de projet ou encore la santé et l’éducation. Beaucoup sont multilingues (fluides en anglais et capables de converser dans l’une des langues suisses en plus de leur langue maternelle), hautement éduqués et habitués à travailler dans des environnements internationaux. »
Mythe 3 : Les titulaires du permis S pourraient bientôt quitter la Suisse.
Réalité : Bien que cela soit théoriquement possible, beaucoup s’intègrent activement dans la société suisse et prévoient d’y rester sur le long terme. Inna ajoute que : « Malgré les défis liés au déplacement forcé, les Ukrainiens font preuve d’une forte capacité d’adaptation, de résilience, et d’une grande motivation à contribuer à la croissance économique de leurs cantons. »
Mythe 4 : Les Ukrainiens avec un permis S n’ont pas accès à un accompagnement pour l’emploi.
Réalité : Le programme PAVE, lancé par le gouvernement fédéral et mis en œuvre par l’Hospice Général en coopération avec l’agence TRT, offre un soutien complet aux chercheurs d’emploi. Le programme comprend :
La participation au programme PAVE permet aux employeurs de réduire les risques financiers et d’accéder à des candidats qualifiés, facilitant ainsi une intégration plus rapide des personnes titulaires du permis S dans le marché du travail.
Contacts du programme PAVE :
Engager des travailleurs avec un permis S offre de nombreux avantages aux entreprises suisses. Ces travailleurs possèdent non seulement les compétences professionnelles nécessaires, mais font également preuve d’une grande adaptabilité, de résilience et de motivation, ce qui les rend particulièrement précieux. Détaillons ces avantages :
Travailleurs qualifiés et immédiatement opérationnels : Beaucoup ont une expérience internationale et peuvent immédiatement contribuer à la performance des entreprises.
« Offrir une chance à quelqu’un de se reconstruire en Suisse est bon pour les affaires et pour la société. Les employeurs apprécient non seulement leurs compétences techniques, mais aussi leur éthique, leur loyauté et leur intelligence émotionnelle que ces candidats apportaient» ajoute Inna Malaia.
De nombreux professionnels ukrainiens avec un permis S réussissent déjà sur le marché du travail suisse. Inna partage quelques exemples : « Une ancienne responsable marketing a été embauchée par Sunrise à Zurich, une autre personne vennant du secteur associatif est devenue directrice d’une nouvelle galerie. Nos diplômés sont devenus enseignants d’anglais dans différents cantons, ont travaillé dans le secteur public, tel qu’à la CCIG, à la Croix-Rouge, à l’EVAM, à l’EPFL, ou encore dans le secteur privé comme chez ON, Carrera, M3, ou Globus. Les employeurs soulignent souvent leur expertise et leur humilité. »
Inna conclut : « Les professionnels ukrainiens ne font pas qu’aider l’économie suisse, ils enrichissent aussi leurs environnements de travail. »
Certains employeurs ont encore des réserves concernant l'embauche de personnes possédant un permis S, notamment en raison de barrières linguistiques et d'un manque d'expérience en Suisse. Cependant, ces préoccupations sont souvent infondées :
Barrière linguistique : Beaucoup parlent couramment anglais et apprennent déjà le français ou l’allemand. Inna souligne que : « Tous nos diplômés parlent anglais et beaucoup apprennent activement une langue nationale. Cela les rend adaptables à divers environnements de travail. Nous constatons que les candidats maîtrisent rapidement les langues, ce qui facilite leur intégration au sein de l'entreprise et dans la société. »
Manque d’expérience locale : Bien que l’expérience locale puisse être avantageuse, elle n’est pas toujours indispensable. Inna précise que : « Beaucoup de nos diplômes ont une expérience internationale, hautement transférable. Ils apportent des perspectives nouvelles qui complètent bien les compétences locales. »
Inna explique que : « Le processus est géré au niveau cantonal et se règle en général rapidement. Nous offrons aussi un accompagnement. Quand les employeurs comprennent la simplicité du système, ils sont souvent conquis par le profil professionnel du candidat. »
Recruter des personnes titulaires du permis S est un choix judicieux, simple et avantageux. En effet, beaucoup d’Ukrainiens apportent des compétences solides, une forte éthique de travail, et une attitude positive. En les embauchant, les entreprises gagnent en performance et participent à l’intégration sociale.
Résultats d’une enquête récente auprès de 77 professionnels ukrainiens en Suisse :
Ces résultats montrent qu’avec le bon soutien, tel que la reconnaissance des diplômes, et la formation linguistique, les titulaires du permis S peuvent s’intégrer efficacement et contribuer pleinement à l’économie suisse.
Crédit photo : Inna Malaia
Nataliia Kutselepa is a marketing strategist with over 15 years of experience in international companies.