« Lynda Chouiten, entre lucidité et pudeur, confie aux mots ce que le silence retient. »
Il est des voix qui ne cherchent pas le vacarme, mais qui creusent, obstinément. Lynda Chouiten est de celles-là. Algérienne, autrice de romans déroutants, elle tisse ses histoires loin des projecteurs, avec une liberté qui fait vibrer chaque page
« Je n’ai jamais cherché à choquer, mais à déranger un silence. C’est différent. »
Nous nous sommes rencontrés dans une salle blanche, un après-midi à Genève, au Salon du Livre. Assise droite, regard attentif, Lynda Chouiten pesait chaque mot, comme on sonde le marbre pour y révéler ses veines secrètes. Entre deux questions, un sourire discret, une main sur la couverture de son dernier roman : un détail dérisoire, comme ses personnages, qui portent l’essentiel dans l’ombre.
Quand l'auteure parle de ses livres, elle les imagine comme des relais entre rives éloignées. Publier depuis l’Algérie, c’est faire voyager ses histoires malgré les frontières visibles et invisibles. Écrire, c’est parfois prendre le risque de bousculer, de surprendre : ses récits oscillent entre satire sociale, tendresse, ironie et pudeur mêlées.
Elle revendique une langue simple, vive, sans peur de mêler l’ironie et la pudeur, une langue qui dit l’enfance, le quotidien, mais aussi l’absurde parfois tragique, qui traverse ses personnages.
« Échange franc et concentré, au cœur d’une parole libre et posée. »
Intellectuelle exigeante, enseignante passionnée et chercheuse engagée, elle ne cloisonne jamais le savoir et l’imaginaire. Ses lectures nourrissent son style sans l’enfermer. Chaque roman est une manière de réinventer ce qui se dit trop vite — ou trop peu.
Dans Le Roman des pauvres cheveux, elle tourne le réel en fable presque surréaliste, explorant l’identité à travers un détail dérisoire. Dans Une Valse, elle dessine la force et la fragilité d’une femme qui, malgré le silence qu’on voudrait lui imposer, reprend sa voix.
Interrogée sur l’intelligence artificielle, elle sourit : corriger un texte, peut-être ; écrire un roman, jamais. La littérature reste pour elle un geste humain, imparfait mais vibrant. « Une machine n’a pas de vertige devant la page blanche. Elle peut tout générer, sauf le frisson d’un mot vrai, trouvé au bord d’une faille." Elle rappelle qu’écrire, c’est aussi assumer le risque de la maladresse, de l’émotion, de l’hésitation qui font qu’un texte respire.
Née en Algérie, elle revendique un héritage de femmes qui ont ouvert la voie et gardé vivante une mémoire tissée d’interdits et de possibles. Elle dévoile les non-dits d’une société, met en scène des héroïnes qui échappent aux cadres étroits. L’écriture devient un acte discret d’émancipation, une respiration qui relie les silences et nomme ce qu’on retient. C’est une lignée invisible, mais tenace, qui nourrit chaque phrase.
Au fil de ses mots, une certitude se dessine : un livre peut survivre aux marges, franchir les murs et semer un écho bien au-delà de ses premières pages. Sa voix, douce et ferme, rappelle que la littérature peut encore relier ce que la vie écarte. Lynda Chouiten prouve, page après page, qu’un mot juste, même murmuré, a la force de passer les murs et de rejoindre d’autres voix, demain.
Découvrez l’interview complète ici :
Remerciements
Au fil de cette rencontre littéraire s’est dessiné, presque en secret, un second récit : celui d’un travail d’équipe guidé par l’écoute et le souci du détail. Quentin Jaques (créateur de contenu numérique et éditeur), Stella Chapou (rédactrice et chargée de communications), Joseph Jeanmart (photographe et éditeur) et Ralph Müller (rédacteur et créateur de contenu) ont fait bien plus qu’accompagner ce projet : ils lui ont donné souffle, rigueur et complicité, pour qu’au-delà du papier, reste une trace vivante.
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Crédit photo : Joseph Jeanmart
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