
Le geste suspendu, le regard habité. John Howe pense avec les mains, dessine avec l’âme.
Il est des artistes dont l’œuvre transcende les frontières du réel, offrant aux lecteurs et spectateurs des passerelles vers des univers de légende, de mythe et de lumière. John Howe est de ceux-là. Illustrateur de renommée mondiale, compagnon visuel de Tolkien et explorateur de récits anciens, il conjugue l’intuition du poète à la précision de l’artisan. Résidant en Suisse depuis la fin des années 1980, il a façonné, aux côtés d’Alan Lee, l’esthétique inoubliable des trilogies The Lord of the Rings et The Hobbit, adaptées par Peter Jackson. Son travail se déploie bien au-delà de la Terre du Milieu : mythes arthuriens, paysages alpins, dessins horlogers, récits narrés… son crayon vagabonde là où l’imaginaire et la matière dialoguent.
« Ce n’est pas seulement une image que l’on crée. C’est un instant de vérité, un face-à-face avec soi. »
Lors d’un échange précieux, l’artiste a partagé sa vision à la fois lucide et poétique de la création à l’ère numérique, son attachement profond aux paysages suisses et sa démarche artistique comme exploration de l’humanité.
L’intelligence artificielle, un miroir sans regard
Face à l’irruption de l’intelligence artificielle dans le champ de l’illustration, John Howe ne cède ni à l’alarmisme, ni à l’euphorie. Il en reconnaît la puissance technique, la capacité à produire des images en série et à impressionner. Mais il rappelle que l’art véritable repose sur une transformation intérieure — une lente alchimie entre le geste et l’âme.
« L’art est une expérience qui change celui qui le fait », affirme-t-il avec une sérénité pénétrante. Pour lui, la technologie, aussi fascinante soit-elle, ne remplacera jamais ce lien intime et mystérieux entre la main, la matière et le monde.
Avant le dialogue, le calme. Un moment suspendu, entre sourires complices et promesse de profondeur.
John Howe n’idéalise pas pour autant un passé révolu. Il reconnaît les avantages qu’apportent les technologies numériques : gain de temps, flexibilité, diffusion instantanée. Mais il insiste : ces outils doivent rester au service de l’intention artistique et non l’inverse. Il les considère comme des outils d’appoint, utiles mais jamais essentiels, complémentaires à la pratique traditionnelle.
Avec mesure, il exprime ses inquiétudes face à l’avènement d’un art trop rapide, formaté pour répondre à une consommation effrénée. Ce n’est pas une dénonciation, mais plutôt un rappel : ne pas perdre de vue ce qui fait la singularité d’une œuvre — sa lenteur, son souffle, sa vie.
La Suisse, creuset de songes
Installé depuis près de quarante ans en Suisse, John Howe puise dans ses paysages une source profonde d’inspiration. Le Jura, les Alpes, les forêts suspendues — autant de territoires où l’imaginaire se mêle au silence, où chaque relief semble contenir une mémoire ancienne. « La Suisse est un pays de la fantaisie », dit-il avec affection.
Cette géographie, à la fois rugueuse et préservée, lui rappelle celle que Tolkien lui-même découvrit lors d’un voyage dans les Alpes en 1911. Ces montagnes, devenues les arêtes mêmes de la Terre du Milieu, constituent un écho visuel et émotionnel à l’univers que Howe n’a cessé d’explorer.
S’il reste indissociable de Tolkien dans l’imaginaire collectif, John Howe s’est toujours gardé de s’enfermer dans une seule mythologie. Du cycle arthurien à la haute horlogerie, de la narration documentaire à la télévision, il poursuit une quête artistique plurielle.
Chaque projet naît d’un appel, d’un glissement naturel entre affinités et opportunités. « Le crayon nous guide autant que nous le guidons », glisse-t-il, espiègle. Ce refus des étiquettes témoigne d’une liberté fondamentale : celle d’un créateur qui avance à l’instinct, porté par la curiosité plus que par la répétition.
Plus qu’un acte de création, l’art est pour lui un acte de rencontre. Une rencontre précieuse entre une œuvre unique et un regard qui s’y arrête. Devant une peinture, une sculpture, une image originale, se joue une forme de reconnaissance silencieuse, intime.
« C’est la rencontre provoquée de deux choses uniques : une œuvre et un être humain », confie-t-il. Ces instants suspendus, ces face-à-face discrets mais bouleversants, sont pour lui l’essence même de l’expérience artistique. Loin du bruit, loin de l’accumulation d’images. Juste cette vibration partagée.
Dans ce court échange, John Howe ne nous a pas simplement livré des réponses. Il a ouvert une porte : celle d’un imaginaire habité, d’une pensée ciselée, d’un regard qui interroge notre époque avec douceur et profondeur.
Son propos touche à l’essentiel : ce qui relie l’artiste à la matière, l’homme au paysage, l’image à la mémoire. Il nous rappelle que le dessin, lorsqu’il est sincère, engage bien plus que le trait : il engage l’être tout entier.
Ce moment partagé laisse une empreinte. Celle d’un homme qui écoute autant qu’il dessine, qui avance avec lenteur, lucidité, et une foi intacte dans la puissance du sensible.
Découvrez l’interview complète ici : youtu.be
Remerciements
À cette rencontre littéraire s’est tissé en filigrane un autre récit, celui d’un travail d’équipe porté par la rigueur, l’écoute et le souci du détail. Quentin Jaques (Créateur de contenu numérique et éditeur), Stella Chapou (Rédactrice et chargée de communications), Joseph Jeanmart (Photographe et éditeur) et Ralph Müller (Rédacteur et créateur de contenu) ont insufflé à ce projet plus qu’un simple soutien technique : une véritable complicité, une présence active et une finesse d’exécution qui lui ont donné sa forme la plus juste. Grâce à eux, cette initiative éditoriale est devenue une expérience humaine à part entière, incarnée et vibrante.
Un trait, une équipe, un récit partagé. Autour de John Howe, un projet éditorial porté par l’humain et la précision du sensible.
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Crédit photo : Quentin Jaques
Raúl Estacio excelle dans la détection des opportunités là où d’autres perçoivent des obstacles. Grâce à une approche analytique et stratégique, il transforme les idées ambitieuses en actions concrètes, en mobilisant les talents et en dirigeant des projets vers le succès. Fort d'une expérience diversifiée en développement commercial et en communication, il maîtrise l'art de fédérer les équipes autour de visions communes et de maximiser l'impact de chaque initiative. Toujours à l’affût de nouvelles idées à explorer et de projets à mener à bien, il incarne l’innovation et le leadership dans chaque mission qu’il entreprend.