Dans le cadre de notre interview avec Isabelle Falconier, première femme directrice du Club Suisse de la Presse, nous avons abordé la question des médias, de leur qualité et de la liberté de la presse, notamment.
Malgré les conditions économiques actuellement difficiles, les médias suisses font preuve d’excellence dans la qualité d'enquête, de reportage et d'analyse, que ce soit à la radio, à la télévision ou dans la presse écrite. Les médias suisses sont donc très bons dans tous les domaines.
Une presse de qualité en Suisse romande
Isabelle Falconier nous explique qu’il existe « une très grande liberté de parole et d'expression en Suisse par rapport aux actions, que ce soit des gouvernements cantonaux ou du gouvernement fédéral. De plus, la politique internationale est bien suivie en Suisse. Et ceci s'explique en grande partie parce que Genève se trouve en Suisse romande, et que de très grandes décisions concernant le monde sont prises à Genève. Les journalistes suisses développent naturellement un intérêt très poussé pour les questions de géopolitique internationale. »
Des sujets qui collent à l’actualité
« Aujourd’hui, il existe une immense sollicitation envers la presse, ici à Genève ou ailleurs en Suisse romande », selon Isabelle Falconier. Les journalistes sont de moins en moins nombreux et sont demandés par tout le monde, que ce soit par les entreprises, les associations, les communautés ou encore les agences internationales.
Il est donc important de coller à l’actualité, qui est prioritaire pour les médias, afin d’amener les journalistes à s’intéresser à un sujet. La clé consiste donc à établir « une bonne relation avec certains journalistes dans certains domaines et à connaître leurs centres d’intérêt, à choisir le bon agenda en quelque sorte, le bon moment pour sortir certains thèmes, et les solliciter pour les traiter », nous dévoile la directrice du Club Suisse de la Presse.
Le Club essaie d’ailleurs de proposer des débats qui font écho à l'actualité, que ce soit aux thématiques qui sont traitées lors des sessions des droits humains ou à d'autres agendas des agences onusiennes, en termes de santé, d'économie ou encore d’intelligence artificielle.
Liberté de la presse
Le classement annuel de "Reporters sans frontières" place la Suisse aux alentours de la dixième position sur plus de 140 pays, exercer le métier de journaliste en Suisse reste donc quelque chose de relativement confortable par rapport à d'autres pays à l'international.
Selon Isabelle Falconier, « cela est principalement dû à l'arsenal législatif » si « la Suisse n'est pas dans le trio de têtes. » En effet, aujourd'hui, en Suisse, les personnes qui se sentent attaquées n'hésitent plus à porter plainte contre des journalistes et à utiliser le droit à interdire la publication d'un article. C’est d’ailleurs un objet de lutte pour les personnes qui défendent le droit des médias en Suisse. Il s’agit de pouvoir publier les articles, quitte à donner un droit de réponse avant que les mesures provisionnelles ne soient activées. Actuellement, celles-ci permettent d’interdire la publication d’un article en cas d’atteinte particulièrement grave envers un tiers, si ce dernier le demande.
La Suisse est également plus restrictive que certains pays concernant certaines techniques journalistiques, telles que les caméras cachées ou encore le journalisme « undercover ».
Journaliste : un métier de moins en moins attractif
Le journalisme n'est plus une profession attractive d'un point de vue salarial. En effet, les journalistes suisses gagnent de moins en moins bien leur vie. Les salaires ont clairement baissé. La plupart des conventions de tarifs ne sont plus appliquées par les médias eux-mêmes.
Isabelle Falconier ajoute que « les rédactions licencient beaucoup de journalistes.
Par conséquent, de nombreux journalistes choisissent de travailler en indépendant, en collaborateurs extérieurs, en pigistes. Et là, les conditions sont déplorables. »
Un journaliste qui se lancerait en indépendant doit effectivement soit travailler non-stop, soit avoir une autre activité à côté.
« On peut presque dire que le métier de journaliste en Suisse est en voie de précarisation et risque de ne plus attirer des gens qui ont fait des études, par exemple, de droit ou d'économie ou des études scientifiques. Or, aujourd'hui, nous aurions besoin de journalistes qui soient bien formés dans ces domaines-là », nous confie Isabelle Falconier.
La question du financement des médias
La crise des médias en Suisse est la même que celle dans les autres pays occidentaux, c'est-à-dire que l'équilibre entre les recettes venant de la publicité et des lecteurs s'est complètement rompu. Cela est dû au fait que, d’une part, la publicité se consacre beaucoup moins aux médias, mais plus aux réseaux sociaux, et d'autre part que le public a pris l'habitude de ne pas payer pour l'information.
Isabelle Flaconier ajoute : « Aujourd'hui, ce qui est urgent, c'est de faire comprendre au public que s'il souhaite avoir des informations fiables, s'il souhaite lire des informations intéressantes, des reportages, des enquêtes, s'il souhaite admirer les journalistes, s'il souhaite leur faire confiance, ce travail doit pouvoir être payé. »
Il est également nécessaire que les groupes de presse investissent dans les médias et qu'ils ne captent pas les ressources qui viennent de la publicité pour en faire autre chose.
Enfin, il faut que les structures journalistiques indépendantes qui se créent, et qui aujourd'hui sont en grande partie l'avenir du journalisme, trouvent un chemin dans la jungle des modèles économiques possibles.
Aujourd'hui, les communautés publiques, les états, les cantons ont envie d'une s'investir pour garantir un journalisme de qualité, mais tous cherchent une manière de le faire, quel financement direct ou indirect.
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