
Caryocar costaricense – En danger d’extinction – Costa Rica
Jean-Christophe Vié a eu la gentillesse de nous accorder une entrevue alors qu’une centaine de demandes de financement l’attendaient sur son bureau, suite au dernier appel à projets de la Fondation Franklinia.
Vétérinaire de formation, une thèse en écologie dans la poche, cela fait 30 ans qu’il travaille dans la conservation, essentiellement des animaux et des espèces forestières. Après 20 ans à l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), il a pris la direction de la fondation il y a environ 6 ans.
Son enfance à la campagne lui a permis de développer très tôt un lien profond avec les arbres, par le jeu, puis plus tard, en étudiant les primates. Passer du temps en forêt lui procure un bien-être évident et il s’intéresse à tout ce qui l’habite. « Ce n’est pas seulement l’arbre, mais l’ensemble, il y a un monde vivant qui fait du bien. » Il s’émerveille devant certaines branches, s’interrogeant sur la manière dont elles tiennent en équilibre, alors qu’une structure humaine similaire s’effondrerait probablement. « Si certains disent qu’il n’y a rien dans la forêt, moi, je pense qu’au contraire il y a tout », nous confie-t-il.
Cette petite fondation privée existe depuis 20 ans. Jean-Christophe Vié l’a rejointe il y a 6 ans pour la structurer et mettre en œuvre une stratégie centrée sur la conservation des espèces d’arbres menacés dans leurs habitats naturels. Aujourd’hui, elle compte quatre collaborateurs et soutient de nombreux projets à travers le monde. Son premier projet a été de financer en grande partie la création de la Liste rouge des espèces d’arbres menacées de l’IUCN. Grâce à cela, plus de 50’000 espèces sont maintenant recensées, mentionnant le type de risque d’extinction, les catégories de menaces auxquelles elles sont confrontées, ainsi que leur répartition géographique. Actuellement, la fondation soutient environ 150 projets de manière directe et indirecte, principalement en Asie, Afrique et Amérique latine.
Le fondateur a toujours été passionné par les arbres, c’est donc une suite logique : avec plus de 16’000 espèces menacées, le potentiel d’avoir un impact conséquent est immense. C’est une niche très spécifique, car presque personne ne finance la conservation des plantes et des arbres alors que les bénéfices indirects (services écosystémiques) que l’on retire de leur présence sont énormes. Pourtant, la situation est alarmante : il existe deux fois plus d’espèces d’arbres menacées d’extinction que d’amphibiens, d’oiseaux, de reptiles et de mammifères menacés réunis. Le bois, comme la faune marine, fait partie des ressources les plus massivement trafiquées à l’échelle mondiale. Ce commerce génère d’énormes profits et suscite de grandes convoitises. « Les forces en face de nous sont colossales. », signale Jean-Christophe Vié. Il rappelle que, dans de nombreuses parties du monde, y compris en Suisse et dans l’Union européenne, une partie des impôts payés par les citoyens finance des activités portant atteinte à la nature, notamment à travers des subventions néfastes dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la pêche, les énergies fossiles mais aussi l’exploitation forestière.
Escalade d’un Pleodendron costaricense (En danger critique d’extinction) pour collecter des fruits (Costa Rica). Il n’y a que 4 ou 5 individus adultes connus. Des dizaines de plantules ont été produites.
Il n’y a pas de réponse unique, cela dépend des menaces : la déforestation, les incendies, le surpâturage ou encore les espèces envahissantes. Il y a quand même un modèle qui émerge en général dans la plupart des projets :
Pour certains arbres, on ignore quand ils fructifient ou fleurissent, quand collecter leurs graines ou même si leur germination est possible. Il est donc primordial de les étudier. Quant aux individus rares, la fondation soutient un grand nombre de projets où il reste 50, 10 ou même un seul individu au monde ! Si la disparition d’un arbre passe inaperçue, « on s’alarmerait s’il ne restait plus qu’un éléphant au monde… », remarque-t-il, pour rappeler que toutes les espèces ne suscitent pas la même attention.
Certaines espèces nécessitent quant à elles le développement de techniques plus pointues. Face à des problèmes de pollinisation, de germination, de maladies, ou encore de menaces extrêmement ciblées, des réponses spécifiques sont indispensables. Pour y remédier, la fondation favorise la collaboration entre les jardins botaniques, qui apportent leur expertise technique et les ONG engagées sur le terrain, en lien avec les communautés locales.
Enfin, lorsque des projets d’agroforesterie existent dans les villages où la fondation intervient, elle en profite pour encourager l’intégration d’espèces menacées dans les parcelles, ou la mise en réserve de certaines zones. Pour cela, il est essentiel de pouvoir compter sur des personnes qui fasse relais dans ces villages, souvent reculés, qui expliquent avec patience aux propriétaires l’intérêt de préserver ces arbres qu’ils ne pourront pas exploiter. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre soutenir des pratiques agricoles durables, qui permettent aux populations locales de générer des revenus, et la préservation des milieux naturels.
Jean-Christophe Vié constate que la plupart des gens affirment aimer les arbres lorsqu’on leur pose la question. Pourtant, force est de constater qu’ils sont souvent maltraités. Encore trop fréquemment considérés comme de simples éléments décoratifs, on n’hésite pas à couper une branche gênante — voire l’arbre entier — s’il vient à déranger un voisin ou obstruer la vue. Au-delà d’essayer de faire preuve de plus d’égard pour la vie qui les habite, il suggère des actions concrètes, telles que :
Il propose également de se poser les questions suivantes avant, d’éventuellement, planter un arbre :
La première question peut sembler anodine, et pourtant. Certaines espèces peuvent nécessiter un coup de pouce, mais dans bien des cas, la nature sait très bien se régénérer seule, si on lui en laisse la possibilité.
Dernier individu adulte de Andreadoxa flava au Brésil (Etat de Bahia). Des centaines de plantules ont été produites à partir des fruits de cet arbre.
Agir sur la conservation des arbres, aussi essentiel cela soit-il, ne suffit pas. Au-delà des solutions techniques, il est nécessaire de repenser notre rapport au vivant, d’interroger nos pratiques et les récits qui les accompagnent. C’est ce que nous explorerons dans un deuxième article.
Crédit photo : Jean-Christophe Vié
Mon parcours professionnel m’a permis de développer des compétences en coordination de projet, gestion administrative et communication. Sensible à l’état de notre planète, je travaille depuis plus de dix ans à sensibiliser le public à une utilisation plus optimale des ressources naturelles. Aventurière et curieuse, je m’intéresse également à la santé d’un point de vue holistique, en explorant des domaines tels que l’alimentation, les plantes, les thérapies alternatives, des pratiques comme le Zhineng Qigong, et bien d’autres choses encore.