
En Suisse, la politique d'accueil des réfugiés se concentre principalement sur la satisfaction des besoins matériels : logement, nourriture et aide sociale. Pourtant, derrière cette prise en charge se cache une réalité psychologique complexe, souvent négligée. Cet article propose une lecture théorique de la situation des réfugiés à travers le modèle hiérarchique des besoins d’Abraham Maslow, afin d’éclairer les blocages structurels et psychologiques qui freinent leur intégration. Ce cadre d’analyse permet de mettre en perspective le cheminement — ou la stagnation — des individus confrontés à une rupture profonde de leur trajectoire de vie.
Il est important de souligner que cet article constitue une réflexion théorique. Dans une phase ultérieure, nous prévoyons de recueillir et publier les avis de professionnels suisses en santé mentale et en intégration sociale, afin d’enrichir cette approche par des perspectives pratiques.
Bien que les besoins fondamentaux — alimentation, sommeil, abri — semblent assurés, les conditions d'hébergement collectif compromettent l’intimité et accentuent le stress psychologique. La promiscuité, le bruit constant et l’impossibilité de se retrouver seul engendrent anxiété, insomnie et irritabilité.
Selon les données de l'Hospice Générale (2024), la majorité des réfugiés à Genève sont hébergés dans des structures collectives, où l'intimité est fortement limitée. La plupart de ces personnes souffrent de troubles du sommeil et d'anxiété liés à leurs conditions de vie
L’instabilité juridique liée aux permis provisoires (comme le permis F) maintient les réfugiés dans une incertitude chronique. Cette précarité empêche tout projet d’avenir et sape le sentiment fondamental de sécurité.
Le déracinement rompt les liens familiaux, communautaires et culturels. En Suisse, les réfugiés se heurtent à des barrières linguistiques, des attitudes de méfiance ou de rejet, et à l’absence d’espaces inclusifs. Cette solitude chronique nuit gravement à leur bien-être psychologique.
Même les réfugiés qualifiés voient leurs compétences ignorées. L’impossibilité de travailler dans leur domaine, la dépendance à l’aide sociale et la stigmatisation minent leur estime personnelle. Ce manque de reconnaissance produit un désengagement profond.
La dernière étape de Maslow — la réalisation de soi — demeure hors de portée. Sans sécurité, sans intégration sociale et sans reconnaissance, les réfugiés ne peuvent envisager une trajectoire personnelle épanouissante. Le potentiel humain est ainsi figé dans une attente indéterminée.
Au lieu de progresser dans la hiérarchie des besoins, de nombreux réfugiés régressent ou stagnent à ses niveaux inférieurs. Ce blocage chronique engendre des troubles psychiques, une résilience fragilisée et une perte d'identité personnelle et sociale.
L’analyse du parcours des réfugiés à travers le modèle de Maslow démontre la nécessité d’une approche holistique de l’intégration. Les politiques publiques doivent aller au-delà de l’aide matérielle et intégrer les dimensions psychologiques, sociales et culturelles de l’expérience migratoire. Sans cela, l’intégration restera théorique, et le potentiel humain sous-utilisé.
Cette contribution théorique constitue une première étape. Elle sera suivie d’une étude qualitative s’appuyant sur les témoignages de professionnels suisses de la santé mentale, afin d’approfondir les dynamiques psychologiques et sociales vécues par les réfugiés.
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Réfugiés en Suisse : une opportunité professionnelle à saisir – entre potentiel, défis et accompagnement
Sources :
https://medecine-integree.com/la-pyramide-des-besoins-de-maslow/
https://moodle.unige.ch/mod/book/view.php?id=394774&chapterid=3885
https://www.hesge.ch/hets/sites/hets/files/migrations/rapport_rmna_final_septembre_2019.pdf
https://asile.ch/prejuge/profit/assistance-differenciee-et-excluante/
https://www.osar.ch/themes/asile-en-suisse/aide-sociale
https://www.osar.ch/themes/asile-en-suisse/hebergement
Crédit photo : SergeyNivens via Depositphotos ; JAshes via Depositphotos
Juriste géorgienne diplômée d’un master en droit et basée à Genève, je poursuis actuellement une spécialisation en droit d’asile à l’Université de Fribourg. Je m’investis dans l’intégration professionnelle des personnes réfugiées en Suisse. Engagée dans des programmes académiques et associatifs, j’œuvre pour sensibiliser les employeurs aux compétences de ces personnes qualifiées. Mon parcours allie engagement, expertise juridique et volonté de faciliter une intégration réussie pour tous.