Comme vous avez pu le lire dans mon précédent article, je me suis intéressée au poste d’Happiness Manager, qui fait petit à petit son nid en Suisse romande. En me penchant sur les compétences et le profil de ce Manager particulier, je me suis très vite rendue compte que ce poste faisait écho au travail de médiateur que nous connaissons davantage.
Puis, une question m’est venue à l’esprit…
Ces deux postes sont-ils concurrentiels ou plutôt complémentaires ?
Et quelle est leur mission respective ?
Pour répondre à cette interrogation, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer Khaoula El Idrissi Gemperli et Pascal Gemperli qui a créé Gemperli Consulting Sarl à Morges en 2007.
Ce cabinet est spécialisé dans deux domaines :
- Le coaching et la gestion de la diversité
- La prévention et la gestion des conflits, la médiation
Pour cet entretien, les deux médiateurs m’ont tout d’abord expliqué ce qu’était leur rôle avec ses avantages et ses inconvénients et les formations adaptées.
Puis, nous avons abordé la partie sur le Happiness Manager que vous connaissez déjà à travers mon dernier article.
Enfin, nous avons pu conclure et répondre à la question initiale.
Le rôle de médiateur et de personne de confiance
Premièrement… la médiation !
Tout d’abord, il existe deux types de médiation :
- La médiation dans l’entreprise (Workplace mediation) : gestion des conflits en équipe, gestion des conflits avec la hiérarchie, négociation de départs à l’amiable, etc.
- La médiation commerciale (BtoB) en lien avec les clients, les partenaires.
Conflits chauds et conflits froids : une question de gestion
Comme le dit à juste titre Pascal Gemperli « Où il y a des humains, il y a des conflits : c’est naturel ! L’essentiel est de trouver une solution »
En effet, en Suisse, nous ne sommes pas encore très transparents sur les conflits. Nous avons tendance à les cacher, les dissimuler… très souvent par honte. Alors qu’en réalité ce qui est important n’est pas qu’un conflit existe, mais la façon dont nous le gérons.
Il existe des conflits chauds, qui sont très manifestes, « sur le feu », et des conflits froids, qui sont dissimulés sur le plus ou moins long terme.
En Suisse, nous sommes plutôt sur des conflits froids qui s’accumulent et qui aboutissent pour beaucoup des cas, par des arrêts maladie.
Un coût mal identifié pour l’entreprise !
Selon Pascal Gemperli, il serait intéressant d’inclure les coûts des conflits dans les comptes financiers, afin que les entreprises prennent conscience de l’importance de les régler.
Pour l’instant, les coûts ne sont pas bien catégorisés.
Par exemple, lorsqu’un employé manque un jour de travail pour éviter un conflit, cette absence est comptabilisée, comme un coût de santé (frais de maladie) alors qu’en réalité, il s’agit d’un coût de conflit. Il en est de même des frais de justice pour un départ conflictuel par exemple, qui sont comptabilisés dans frais de justice tandis que ce sont des frais de conflits.
La médiation préventive, cela pourrait être évité.
La conséquence de ces coûts qui ne sont pas bien identifiés est que les entreprises ne prennent pas conscience du poids que cela représente et ne sentent pas systématiquement l’importance, l’urgence de les traiter.
Pourtant, la non-gestion des conflits engendre la perte des clients, une mauvaise réputation…
Selon une étude de KPMG, réalisée en coopération avec la HES de Berne, pour une PME en dessous des 100 employés, les coûts de conflits se situent entre 100’000.- et 500’000.-, chaque année. Le retour sur investissement d’un médiateur est énorme !
La médiation en premier recours !
En général, le défaut est d’avoir recourt à la médiation, lorsque le conflit est déjà là. Plus nous nous y prenons tôt, plus il est facile de trouver une solution, de régler le conflit.
Les entreprises ainsi que les salariés ont tendance à recourir aux tribunaux (procédure longue et onéreuse), au lieu d’avoir recourt à la médiation en premier lieu. Cela sans oublier le maintien de la relation avec l’autre partie, qui, dans une procédure judiciaire, est habituellement rompue.
« La médiation n’est pas une baguette magique, mais nous obtenons tout de même entre 70% et 80 % de réussite ».
Il est alors plus intéressant de commencer par la médiation et ensuite, si nécessaire, de poursuivre par la voie juridique.
Khaoula El Idrissi Gemperli est convaincue que le système devrait être renversé : nous devrions sortir de la logique juridique et trouver des « Business solutions ».
Pour cela, le cabinet Gemperli mise sur la prévention des conflits avec des formations à l’interne (sur le harcèlement, la prévention, l’instauration d’une culture d’entreprise, etc.) puisque, comme énoncé plus haut : « Plus nous nous y prenons à temps, plus facilement nous réglons les conflits ! ». Ces formations permettent aux entreprises de savoir à quel moment avoir recourt à la médiation.
Médiateur et personne de confiance
Le titre de médiateur n’est pas reconnu en Suisse. Tout le monde peut se déclarer médiateur. Cependant, des formations et l’adhésion à des associations professionnelles sont obligatoires si le médiateur souhaite bénéficier d’une accréditation par une fédération comme la FSM ou la CSMC et être appelé par un Tribunal, par exemple.
Un nouveau rôle est en train de se développer, celui de personne de confiance (PCE) pour lequel Gemperli Médiation vient de se faire accréditer.
Le but de ce rôle est la protection de la santé psychosociale des employés selon les Directives du SECO.
Depuis le 9 mai 2012, un arrêt du Tribunal fédéral confirme l’obligation de mettre en place une Help Line en cas de conflit et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise. Chaque employé doit pouvoir faire appel à une personne de confiance (une personne neutre, impartiale, hors hiérarchie), qui proposera entre autres, de se diriger vers un médiateur. Un employeur sans un tel dispositif se rend davantage coupable en cas de licenciement abusif ou autre. Connaissant bien les réalités des PME, Gemperli Médiation a développé un modèle pour la mise en place de la PCE sans frais. C’est seulement en cas d’intervention que les tarifs convenus au préalable s’appliqueraient. « Une sorte d’assurance gratuite », dit Pascal Gemperli, en souriant.
Et le Happiness Manager dans tout ça ? Un concurrent ou un allié au médiateur ?
Le Happiness Manager est interne à l’entreprise, contrairement au médiateur qui est généralement externe, du fait de l’exigence de neutralité.
Les deux ont donc des compétences diverses :
Le premier a un rôle transversal, il connaît l’entreprise, les projets, les domaines, les salariés, la culture… Le second a un regard neutre sur tout ce qui compose la société. En plus, le médiateur bénéficie du secret professionnel, la confidentialité est garantie.
Il en vient donc à dire que l’un est à même de déceler et prévenir les conflits ,puisqu’il voit tout ce qui se passe… Tandis que l’autre est compétent de les régler par son impartialité, dès qu’une personne fait appel à ses services.
La conclusion est alors évidente : ces deux éléments sont bien complémentaires. Et même davantage : ils sont de vrais alliés
Happiness Manager et médiateur : de vrais alliés
En effet, le Happiness Manager a largement les outils pour prévenir et anticiper les conflits ou les situations délicates. Il peut donc être LA personne qui est capable de reconnaître LE bon moment pour prendre contact avec un médiateur, avant que la situation ne se dégrade. De la même façon que le médiateur fait appel à un coach ou à un psy, par exemple.
Le médiateur pourrait plus facilement communiquer avec le Happiness Manager qu’un autre collaborateur de l’entreprise, étant donné ses compétences innées et ses objectifs orientés bien-être et bonheur au sein de la société.
Le Happiness Manager pourrait, quant à lui, plus facilement « convaincre » et faire rendre compte aux salariés et employeurs de l’importance d’agir et de les rassurer quant à la confidentialité de cette démarche.
Happiness Manager et médiateur : complémentaires dans la prévention des conflits
La phase de prévention et d’anticipation ferait alors partie du cahier des charges du Happiness Manager à travers des entretiens hebdomadaires, des événements internes par exemple pour promouvoir le bien-être au sein de la société.
La phase de « Business Solution » relève quant à elle davantage de la compétence du médiateur qui détient un regard neutre, pour trouver des solutions à l’amiable qui conviennent à chacune des parties sans être influencé par un regard interne.
Que demander de plus… du moins de mieux ?!
En effet, n’est-il pas rassurant et intéressant de savoir que ces systèmes existent dans notre société et que nous avons droit, en tout temps, de recourir à leurs services ?
En tout cas, j’en suis convaincue, ces deux métiers sont merveilleux, puisqu’ils veillent tous deux à la paix et au bien-être au sein des entreprises !
Lectures complémentaires :
Happy @ work : un nouveau métier crée le buzz par
Un métier entre assistante Ressources Humaines et Chief Happiness Manager
Credit photo : Médiateur culturel
FORMATION MANAGEMENT:
MODULES DE FORMATION MANAGEMENT LEADERSHIP – Genève, Vaud, Neuchâtel, Valais, Fribourg et Zürich
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