
Nous avons eu le plaisir d’interviewer Tamar Songhulashvili, active dans plusieurs programmes académiques et associatifs et engagée en faveur de l’intégration des réfugiés titulaires d’un permis F à Genève. Tamar a accepté de partager avec nous sa propre expérience d’intégration en Suisse et de revenir sur les points essentiels de sa carrière.
Tamar se forme en tant que juriste et obtient un master en droit en Géorgie, son pays d’origine. « Ce parcours m’a permis de construire une base académique solide et une véritable passion pour la justice et les droits humains. »
Lors de son arrivée en Suisse, les premières années sont difficiles. « Je suis arrivée en Suisse en 2014 et j’ai obtenu un permis F en 2017. Pendant trois ans, je n’avais droit à rien, ni de me former, ni de travailler », nous confie-t-elle.
Elle intègre ensuite en 2018 le programme Horizon académique, lui permettant d’acquérir des compétences précieuses telles que l’analyse critique et une compréhension approfondie du système universitaire suisse. Cette expérience au sein du programme lui a aussi permis de gagner en confiance et de renforcer davantage ses capacités d’adaptation.
Horizon académique lui offre la possibilité de passer une passerelle pour entrer à l’Université de Genève et elle s’inscrit au Master Université Sciences Environnement (MUSE). « J’ai malheureusement dû arrêter le master suite à un accident. J’y ai approfondi mes connaissances sur des domaines d’études très intéressants, notamment sur les sujets de l’écologie, l’environnement et la santé ».
Cependant, son amour pour le domaine juridique ne disparaît pas et ses réflexions durant sa période de congé maladie la font revenir vers ce domaine. « J’ai toujours gardé une forte motivation à rester proche de mon domaine d’origine, le droit. C’est pourquoi j’ai choisi de me spécialiser davantage et d’intégrer la formation continue en procédure d’asile à l’Université de Fribourg », nous explique-t-elle.
Soutenue par la Fondation Hans Wilsdorf, qui couvre l’intégralité de ses frais de scolarité, Tamar bénéficie également tout au long de son parcours de l’aide de l’association Elisa-Asile. Celle-ci lui permet d’obtenir une expérience concrète en assistant les juristes dans des activités telles que la rédaction d’actes juridiques, la fourniture de conseils juridiques aux bénéficiaires et la réalisation de recherches dans le domaine du droit de l’asile.
« J’ai par exemple été en charge d’assister une femme demandant le regroupement familial avec son mari, ou d’en aider une autre dans le changement du permis F au permis B. J’ai également participé à l’intégration de réfugiés ukrainiens en les accompagnant dans les démarches administratives fastidieuses pour l’obtention du permis S. »
Cette expérience lui a ouvert les yeux sur la réalité du terrain : « Chaque personne a des besoins administratifs différents, on apprend beaucoup sur le tas, et il y a une vraie différence entre la théorie et la pratique dans cet aspect du domaine juridique. »
Tamar est également soutenue par l’Hospice générale, qui lui permet d’intégrer Geneva Business News (GBN) en 2025. « J’y développe mes compétences professionnelles dans des domaines variés, notamment en technologies de l’information, en communication et en gestion de projets. Je prévois notamment de travailler sur un projet innovant axé sur l’intégration des réfugiés. »
Sa propre expérience permet à Tamar de prendre du recul sur l’accueil qui est fait aux titulaires du permis F en Suisse et sur les défis auxquels ils doivent faire face dans leur insertion dans le monde du travail.
« Malgré les efforts remarquables de la Suisse, du canton de Genève et des organisations partenaires, les titulaires du permis F rencontrent encore de nombreux obstacles à l’embauche », nous explique-t-elle. « Trop d’entreprises ignorent les compétences et les droits liés à ce statut et la réalité du terrain reste difficile pour ceux qui cherchent à s’intégrer professionnellement. »
Elle se remémore une expérience en 2018 au sein de l’association Refugees@Work : « L’objectif était de fournir des informations à différentes organisations afin de leur faire savoir qu’elles pouvaient embaucher des personnes titulaires d’un permis F. Ce projet n’a malheureusement pas suffi à lever ces freins. Une mobilisation plus large est nécessaire pour faire évoluer les mentalités. »
Des actions concrètes peuvent toutefois changer la donne pour améliorer la situation des personnes réfugiées.
« Il est urgent de mieux informer les employeurs sur la réalité des réfugiés et sur leur potentiel professionnel. Il faut développer des campagnes de sensibilisation, créer plus d’opportunités de stages et de formations et promouvoir une approche inclusive dans les politiques de ressources humaines. Une mobilisation collective est nécessaire pour faire évoluer les mentalités. »
Le parcours de Tamar et son expérience en tant que titulaire d’un permis F démontrent à quel point il est important de militer pour une meilleure reconnaissance des compétences des personnes issues de l’asile et de continuer à sensibiliser la population aux enjeux de l'intégration des personnes réfugiées en Suisse.
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Crédit photo : GBN
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